1- Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Salut Tony, je m’appelle Eric Lemaire, j’ai 42 ans et je viens de Liège en Belgique.
Je pratique les Arts Martiaux / Sports de Combat depuis environ 35 ans.
Je travaille dans le secteur aéroportuaire et je suis marié et l’heureux Papa d’une adorable Princesse de 10 ans.
2- Quel est ton parcours dans les sports de combat et les arts martiaux ?
J’ai commencé par le karaté Shotokan à l’âge de 7 ans, que j’ai pratiqué pendant plusieurs années.
Ensuite, j’ai tâté un peu du kick-boxing et de boxe Thaï avant de tomber, complètement par hasard, sur le Krav-Maga qui, à l’époque était encore plus que confidentiel en Belgique.
J’ai pratiqué le Krav pendant une dizaine d’années jusqu’à obtenir ma ceinture noire et mon diplôme d’instructeur. C’est aussi là que j’ai rencontré mes deux partenaires, Luc et Rodolphe, avec lesquels j’ai eu le plaisir de parcourir un sacré bout de chemin par la suite.
3- Il y a environ 20 ans, nous avons participé à un stage de « protection personnelle » organisé par Vincent Roca à Nancy qui été instruit par Fred Perrin et Eric Haffray. Peux-tu nous dire ce que ce stage a changé pour toi ?
Avec le recul, je me dis que les planètes devaient vraiment être alignées lors de ce stage.
Déjà c’est arrivé à un moment où je commençais tout doucement à me lasser du Krav, devenu beaucoup plus mainstream et dont les dérives (gué-guerres entre fédérations, gonflement artificiel du répertoire technique, etc…) commençaient à me fatiguer.
Ensuite, il a vraiment fallu un sacré coup de chance pour réunir une telle bande d’enfoirés au même moment et au même endroit, ça ressemblait davantage au casting d’un film de Guy Ritchie qu’à un stage d’Arts Martiaux.
Être confronté pour la première fois à l’enseignement de Fred (et aux anecdotes d’Eric H.) ça a été littéralement une grosse baffe dans la tronche, au propre comme au figuré d’ailleurs.
Je me rappelle sur le chemin de retour avec mes deux acolytes ; à un moment on s’est regardé tous les trois et on s’est dit « C’était donc CA qu’on cherchait depuis si longtemps !!! ».
A partir de ce jour-là, on savait que le Krav c’était terminé pour nous et on n’a plus jamais regardé en arrière…
4- Après ce fameux stage à Nancy et quelques années plus tard à base de châtaignes, salades de phalanges, de sueur et de grosses rigolades, nous avons été certifiés moniteur en « protection personnelle » méthode ACDS par Fred Perrin. Peux-tu nous donner quelques anecdotes lors de tous ses séminaires.
Comme dit le proverbe « ce qui se passe à l’ACDS, reste à l’ACDS »… Mais avec le temps certaines sont devenues légendaires et je suppose qu’il y a prescription maintenant.
Je pense que tu te souviens comme moi du fameux « Incident du Buffalo Grill » à Moissy Cramayel, où une partie du personnel a failli servir de repas.
Ou encore d’un certain stage en Suisse, où on s’est retrouvé tous les deux à promener une caisse bien chargée, à travers les champs de la bucolique Helvétie.
A titre personnel, je me souviens d’un sparring d’anthologie avec Philippe Perotti qui s’est terminé à coup de Spyderco d’entrainement, devant les stagiaires qui pensaient qu’on allait réellement se crever.
Il y a aussi un stage, ou un certain instructeur de « Vie Sauvage » m’a fait traverser la salle des fêtes de Die, avant que je ne m’écrase (avec beaucoup d’élégance, ‘faut reconnaitre) contre le comptoir du bar, qui s’est effondré sur moi… Encore toutes mes excuses pour le désagrément !
Je me souviens aussi et surtout du regard de pas mal d’Experts et autres Champions renommés, quand ils se sont retrouvés face au « Côté Obscur » de ce qu’ils étaient censés enseigner.
En définitive, ce qui me reste ce sont avant tout les rencontres avec des gens extraordinaires et passionnés, de longues amitiés et la sensation de faire partie d’une « tribu » pas toujours appréciée de tous, mais respectée par tous (en face du moins…)
5- Quels sont les personnes qui t’ont influencées ou inspirées dans le domaine de la « protection personnelle / combatives » ?
Fred Perrin, évidemment, pour une foule de raisons qui seraient trop longues à expliquer ici.
Philippe Perotti, à qui je dois le peu que je connais sur l’instruction.
Richard Dimitri (fondateur du Senshido) qui, avec le Shredder, m’a permis de trouver le « chainon manquant » que je cherchais depuis longtemps entre la distance de combat pied/poing et la distance de saisie.
Même si je n’ai jamais eu l’occasion de m’entrainer physiquement avec eux, je citerai aussi Kelly McCann et Craig Douglas (aka Southnarc) qui m’ont beaucoup influencé dans mes recherches.
6- Tu as créé il y a plusieurs années maintenant « 1912 formations » qui est un concept dans le domaine de la « protection personnelle / combatives », peux-tu nous expliquer pourquoi avoir choisi la date « 1912 » ?
C’est une question qui revient souvent…
D’habitude je réponds n’importe quoi pour entretenir le mystère, mais il est temps de dévoiler la vraie raison.
1912, c’est l’année de sortie d’un livre qui s’appelle « La défense dans la rue » de Jean Joseph-Renaud.
Le livre en tant que tel peut sembler un peu désuet à l’heure actuelle, mais historiquement c’est la première fois (du moins en langue française) que sont abordées dans un même livre l’étude de différents styles de combat, de différentes distances (boxe, corps-à-corps, combat au sol), de différents types d’armes (ici le revolver, la canne, le couteau) et le tout en tenue de ville.
Bref, pour l’époque c’était une approche tout à fait révolutionnaire.
Je me suis toujours dit que le boulot qu’on a fait avec l’ACDS descendait en droite ligne de cette approche de la défense personnelle.
Et c’est cette approche « intégrée » que j’essaie de transmettre avec 1912 formations.
7- Quels modules proposes-tu et pour qui ?
Les modules que je propose sont avant tout destinés aux citoyens quels qu’ils soient.
Le seul module réservé aux professionnels est le module CMT (Criminal Methods & Tactics) qui regroupe mes recherches dans le domaine des armes improvisées, de l’E&E (Escape & Evade), et des techniques d’embuscade urbaine.
8- Quelle est ta routine d’entrainement physique et technique sur 1 semaine ?
Au niveau physique j’aime les choses assez rustiques : kettlebells, poids de corps, sac de sable, corde à sauter (parce que je déteste courir).
Pour la technique, je privilégie le travail au sac de frappe pour le rythme et la puissance et je fais aussi beaucoup de shadow-boxing (avec ou sans armes) pour la fluidité et la coordination.
Avec l’âge (et les blessures), j’ai aussi incorporé pas mal de travail sur la mobilité.
Depuis quelques années la méditation et la visualisation font aussi partie intégrante de ma routine d’entrainement.
Je travaille avec des horaires très irréguliers, donc c’est souvent un casse-tête pour arriver à intégrer chaque composant sur une semaine.
9- Quels sont les outils qui composent ton EDC ?
Il y a le minimum vital qui est toujours sur moi : lampe, stylo, pansement compressif.
Pour le reste, tout dépend du contexte et de mes activités de la journée.
10- Si tu ne peux choisir qu’un seul outil d’impact pour te défendre, quel serait cet outil et pourquoi ?
Depuis des années, je suis fan des outils en Micarta créés par Barry Jones, un fantastique artisan des USA.
Son « cyclone stick » est devenu un de mes outils préféré.
Le « Sac à Pièce » (surtout ceux réalisés par Todd Foster) reste aussi un must.
11- Que penses-tu du choix d’un couteau comme outil de défense pour un civil par rapport à la législation de ton pays (Belgique) ?
C’est un excellent moyen de se faire massacrer devant un tribunal : quel que soit le contexte, l’utilisation d’un couteau sera quasi toujours considérée un élément aggravant.
De plus, comme on le répète depuis des années, s’il est relativement facile de blesser voire de tuer quelqu’un avec un couteau, celui-ci ne possède quasiment aucun pouvoir d’arrêt et est donc très mal adapté à une utilisation défensive.
12- Peux-tu nous parler de tes futurs projets ?
En ce moment, je m’intéresse beaucoup au « Librefighting » et au système « Piper ».
Il s’agit de deux systèmes qui ont pour particularité de privilégier un type de prise en main spécifique (prise « pic à glace » avec le tranchant vers soi) qui se transfère très bien sur des applications avec des armes improvisées comme une lampe ou un stylo.
13- Quelle est ta devise dans la vie ?
Per omne fas ac nefas (« Par tous les moyens nécessaires »)
14- Pour finir cette interview, je te propose de répondre aux questions « existentielles ».
- stylo tactique ou lampe tactique ?
Plutôt lampe, quelque chose de compact et léger pour l’avoir toujours sur moi (j’aime beaucoup la petite « Raven » de chez ASP).
Pour les stylos, je m’en tiens volontairement à des modèles absolument pas connotés « Tactical » car on perd tout l’intérêt de la discrétion.
En cherchant un peu, on trouve pas mal de modèles aussi solides et efficaces dans des marques classiques.
- lame fixe ou folder ?
Lame fixe, même si le seul couteau que je porte régulièrement est un petit pliant Victorinox.
- blackjack ou sap ?
Blackjack pour l’efficacité pure et Sap pour la facilité de port.
- shredder ou hammer fist ?
Ça dépend de la distance dans laquelle on se trouve, mais à choisir je prendrais le Shredder, ne serait-ce que pour sa faculté à moduler les dégâts causés.
- le Parrain ou Scarface ?
Celle-là, elle est difficile… Un petit avantage pour Tony (l’autre) quand même.
- rap ou reggae ?
Rap, évidemment !
Surtout le rap de la fin des années 90 : Biggie, 2Pac, Wu-Tang, Ice Cube… IAM et NTM pour les français.
- chat ou chien ?
Chat, même si j’ai un gros faible pour mes compatriotes malinois.
- Leffe ou Champagne ?
Eau pétillante… Nan je déconne !
Bière, évidemment, mais en Belgique, la Leffe c’est pour les touristes.
Ma came, c’est une bonne bière Trappiste comme la Westmalle.
- Et pour conclure : frite ou purée ?
Je suis vraiment censé répondre à cette question ?
Merci à Eric Lemaire pour cette interview.
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