jeudi 22 septembre 2022

DAVID MANISE aka LE MANITOU


1- Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Avec plaisir.  Et merci de ton invitation 😉

Professionnellement je suis instructeur de survie (et un peu de self-protection) depuis environ 2003. De formation je suis anthropologue et journaleux. Ca me donne plein d’outils pour comprendre pourquoi je n’ai pas du tout envie de me réfugier dans des tours d’ivoire académiques et universitaires, et de préférer être sur le terrain avec des vrais gens. Depuis 6-7 ans j’ai ajouté les aspects « groupe » à mes formations et je m’intéresse beaucoup à la manière dont les humains s’organisent en petits groupes pour survivre. Et depuis trois ans, mon gros délire est la manière dont les humains s’organisent pour vivre et bosser ensemble. De fait je donne de plus en plus de formations aussi autour du leadership et de la coopération.


2- Nous nous connaissons depuis de nombreuses années. J’ai connu ton travail par le biais de ton premier forum "Vie Sauvage et Survie" ou nous n’étions qu’une petite poignée de passionnés et aujourd’hui ton forum compte plus de 4600 membres. Quelles ont été tes motivations à l’époque pour créer un forum qui a pour sujet principal la « survie » ?

En fait j’ai toujours été animé par deux trucs.  Je le comprends de mieux en mieux aujourd’hui. Ces deux trucs ont été, en premier, de servir. D’être utile. Et quand je me suis rendu compte que les connaissances de vie « outdoor » que j’avais accumulées pendant mon enfance au Québec et mes diverses activités là-bas pouvaient être utiles aux gens, ici en France, j’ai eu envie de les partager. Et de les partager pour une raison simple : ça pouvait éviter à des gens de crever. Ca pouvait prolonger leur vie.

L’autre truc qui m’a toujours animé, c’est la haine des prisons mentales. C’est le besoin viscéral de ne pas me laisser enfermer l’esprit dans des cloisonnements stupides, dans des modèles mentaux trop étroits.  Dans des organisations qui m’auraient sclérosé le cerveau. Et c’était littéralement une question de survie pour moi que de m’investir dans un domaine réellement stimulant, avec des gens vraiment intelligents pour de vrai. Donc libres, et qui, quelque part, jouent leur peau à travers leurs actions.  J’ai toujours eu besoin de m’investir dans des activités où si je me plantais, j’en ferais directement les frais.  

Quand j’étais videur pour payer mes études, au Québec, c’était ça.  Quand je faisais du parachute, du saut à l’élastique ou de la moto, c’était ça aussi. Quand j’allais descendre des grosses rivières, idem. Quand je fais de l’apnée (avec un très petit niveau) ou de la plongée sous-marine, pareil.

Et la survie, c’est vraiment ça.  Si on se plante, on meurt. Et si on raconte des conneries aux gens, ils meurent. En plus, c’est un sujet tellement vaste et tellement complexe qu’il est probablement impossible de faire le tour. Et si on commence à avoir une bonne compréhension d’un biotope et qu’on commence à s’y sentir à l’aise, typiquement le climat va changer, ou alors une nouvelle technologie va arriver et va permettre de faire les choses différemment.  Ou, pire que tout, on va prendre trop confiance et on va commencer à faire des erreurs.  La nature, ça rend humble. Ça oblige à continuer sans arrêt à progresser, à se remettre en question.  Et du coup le forum a été l’occasion de partager et d’échanger sur ce sujet là avec — au début — quelques rares passionnés, et de fil en aiguille avec un tas de gens géniaux.

Au début je pensais être le seul en France à s’intéresser à la survie. Assez vite on a été 4, puis 40, puis 400 puis 4000.  Sur ce forum j’ai appris plein de trucs, mais surtout j’ai rencontré en vrai plein de gens qui sont devenus des amis, des vrais, et des collègues, aussi.



3- Tu as été un des premiers en France à donner des stages de « survie » pour les civils et pour les professionnels. Peux-tu nous parler du CEETS "Centre d’Etudes et d’Enseignement des Techniques de Survie" et des stages que tu y proposes ?

Le CEETS, c’est la structure légale qui fait qu’on peut donner des stages de survie en ayant une assurance, en payant nos taxes et nos impôts, etc. On a actuellement 3 moniteurs et 5 instructeurs, et plusieurs moniteurs en formation. Et franchement quand je les vois bosser, à chaque fois je me dis la même chose : si c’était pas moi le patron de la boîte, je serais en train de gratter à la porte en miaulant pour rentrer.  

Le niveau technique, pédagogique et méthodologique qu’ils ont atteint est juste hallucinant. Et "sans vouloir trop nous vanter" les gens qui font une fois un stage chez nous voient en général le décalage de niveau avec ce qui se fait ailleurs. Un moment donné, quand t’as 10, 15 voire 20 ans d’expérience de terrain dans un domaine, ça donne une épaisseur et un recul qui ne s’improvise pas.  Surtout qu’on se tire sans arrêt vers le haut entre nous en partageant des infos, en se corrigeant les uns les autres.  Les débriefings, après les stages, sont toujours sans aucun compromis et je suis le premier à me prendre des feedbacks intransigeants, y compris de la part des moniteurs en formation.  Notre but est simple, clair, et toujours le même : faire en sorte que les gens meurent moins souvent. Et pour ça, tout est bon. Aucune pitié entre nous. Aucun laxisme.  On se tire la bourre pour devenir meilleurs.

Et quand t’as 12 ou 15 passionnés qui en font leur métier, qui poussent tous dans ce sens là pendant aussi longtemps, forcément, après un moment, ça marche :)



4- Quel est le cursus pour devenir moniteur et ensuite instructeur au CEETS ?

Ce cursus, c’est l’enfer.

Je suis vraiment vache avec eux.  

La première chose que je leur dis c’est "tu vas avoir un salaire merdique, des conditions décevantes, personne ne va comprendre ce que tu fais, tu ne vas pas pouvoir baiser plus, tu vas bosser dans la neige, sous le cagnard, sous la pluie froide et ignoble, et t’auras aucune reconnaissance sociale pour ça. Et la seule issue ça va être une mort atroce dans l’anonymat complet. Par contre, tu vas faire en sorte que les gens qui te croisent vont mourir moins souvent, et sur ton lit de mort tu sauras que t’as fait au moins ça de bien dans ta vie".

En général, ils demande "on signe où ?" :)

D’un point de vue technique, la quantité d’infos à intégrer pour devenir moniteur est à peu près équivalent à un premier cycle universitaire. Pour devenir instructeur, c’est à peu près identique à ce qu’on demande à quelqu’un pour devenir prof de fac, plus une longue expérience de terrain.

D’un point de vue humain, ça les oblige à avoir vraiment des motivations clairs et qui sont intrinsèques.  Ils doivent avoir vraiment comme motivation de prolonger la vie des gens. Et être prêt à s’investir pour ça.  C’est là que ça bloque en général. BEAUCOUP de gens ont commencé le cursus moniteur, et certains étaient même assez prometteurs. Mais les véritables motivations pointent vite le bout de leur nez.  Typiquement, c’est l’attrait du pognon qui fait que les gens s’en vont, et lancent leur propre structure au lieu de se former jusqu’à avoir le niveau pour bosser au CEETS.

En général, les gens sous-estiment à quel point notre cursus moniteur est impitoyable. Et le niveau d’exigence que j’ai sur la sécurité, l’éthique et la pédagogie en plus — évidemment — des aspects techniques. Savoir faire du feu sous la pluie, et le réussir à tous les coups en moins de 5 minutes, c’est une chose. Savoir l’enseigner, c’en est une autre.  Savoir l’enseigner efficacement, sans pomper inutilement de jus de cerveau pour pouvoir enseigner toutes les autres choses du programme d’un stage, dans des bonnes conditions de sécurité, de manière à ce que tout le monde réussisse, et qu’il puisse le refaire ensuite en autonomie sans foutre le feu à la forêt, c’est une autre paire de manches. 

Bref, avec les moniteurs je suis vraiment impitoyable, et les instructeurs (qui forment aussi des moniteurs) aussi. 


5- Tu as complété la règle des 3 de Ron Hood, peux-tu nous décrire cette version améliorée ?

Oui. J’ai simplement ajouté quelques points.  La règle de base de Ron Hood était "3 minutes sans respirer, 3 heures sans abri et 3 jours sans eau". Je trouvais ce rapport d’échelle super intéressant, et j’ai donc ajouté : 

- 3 secondes avec la connerie (sans vigilance), parce que dans les cas vécus qu’on a étudiés il y a quand-même beaucoup d’accidents en apparence stupides, mais qui sont causés par des facteurs qu’on comprend de mieux en mieux : le stress qui altère le jugement, la déshydratation, l’hypothermie ou l’hyperthermie, la fatigue, etc. 

- 3 minutes sans oxygène dans les centres vitaux (et pas juste "sans respirer"), de manière à ce que ça inclue les hémorragies, etc. Ca nous permet d’introduire les protocoles de type ABCDE (Airways, Breathing, Circulation, surtout…)

- 3 jours sans eau POTABLE (parce que certaines eaux, si le but est de s’hydrater, il vaut mieux ne pas y toucher avant de l’avoir rendue potable).

- 3 semaines sans manger : pour dire que ça n’est pas une priorité, au final.

- 3 mois sans hygiène : là on parle essentiellement de prévention des infections…

Et pour la blague "3 ans avec un boulot de merde".  C’est une blague seulement à moitié parce qu’en réalité les aspects psychologiques et la motivation à survivre sont aussi dépendants du fait qu’on prenne soin de soin au quotidien. Donc ça amène ce sujet là.


6- Si tu dois choisir 5 outils pour sur"vivre" sur une ile déserte durant un lapse de temps indéfini, quels seraient ces outils et pourquoi ?

C’est une question assez facile, pour le coup : les 5 trucs les plus difficiles à recréer sur place, et qui me manqueraient le plus.  Si je pars du principe que c’est une ile tropicale, je prendrais certainement : 

- Une bonne machette (genre celles que tu fais pour la jungle).

- Une casserole pour faire cuire des trucs et purifier l’eau.

- Un hamac avec moustiquaire (histoire d’avoir un endroit à l’abri des moustiques et bestioles).

- Un grand tarp qui résiste super bien aux UV, que je calerais à l’ombre, à l’intérieur des terres dans un endroit un peu protégé du soleil.

- Un truc pour m’isoler pendant les nuits fraîches qui soit durable : une couverture en laine, par exemple, qui sera robuste, pratique, auto-nettoyante et qui tiendra un moment.

Le reste peut se bricoler avec ce qu’on trouve sur place.  Le feu par friction avec des bambous secs, ça se fait bien. Les cordages, ça se tresse avec les fibres qu’on trouvera sur place. On pourra se fabriquer des harpons et des outils divers avec la machette…  après, j’avoue que ma cafetière Bialetti me manquerait, à un moment 😉


7- Dans quel biotope te sens-tu le plus à l’aise et inversement dans quel biotope te sens-tu le moins à l’aise et pourquoi ?

Je me sens plus à l’aise dans les biotopes où on trouve de l’eau douce liquide en quantité suffisante. Quand il y a de l’eau, il y a de la vie. Les déserts, qu’ils soient blancs ou chauds, sont des environnements beaucoup plus durs. 


8- Peux-tu nous partager une anecdote ou ta vie a été en danger et comment tu as réussi à gérer la situation ? 

A chaque fois que ça m’est arrivé, c’est parce que j’avais commis une erreur grossière.  Que je m’étais enfermé dans une solution sans voir les autres options. Ou que simplement j’avais refusé d’écouter mon intuition qui me disait "fais pas ça".  

Celle que je raconte le plus souvent, c’est la fois où j’ai eu la flemme de marcher 5km jusque’à un pont, au Quebec, en hiver, pour traverser une rivière.  La glace avant l’air de tenir, alors je me suis engagé pour traverser dessus.  Mais la petite voix hurlait "danger".  La flemme a été plus forte. La glace a pété. J’ai failli être emporté sour la glace par le courant. Et en ressortant de l’eau, j’ai cassé à nouveau la glace plusieurs fois.  

C’était vraiment horrible. L’eau glacée, le courant, les vêtements imbibés d’eau, le sac qui pesait 8 tonnes. Plein d’eau. 

Ce qui m’a sauvé c’est un tas de bois flotté de l’autre côté, et un fumigène que j’avais dans mon sac qui m’a permis d’allumer du feu tout de suite sans aucune motricité fine. Mes doigts étaient pratiquement inutilisables. Même mes grands groupes musculaires commençaient à vraiment moins bien fonctionner.

Deux morales à cette histoire : 

- La flemme tue.

- Apprendre à faire demi-tour... Parce que j’aurais pu revenir au point de départ et passer 10 secondes dans l’eau.  Au lieu de ça, dans le stress, j’ai juste continué à traverser et j’ai dû passer au total près de 10 minutes dans le bouillon. J’ai du mal à estimer le temps que ça a pris, en réalité, mais c’était super long.


9- Tu es l’auteur et le co-auteur de plusieurs ouvrages, peux-tu nous les citer et nous en parler en quelques lignes ?

Alors déjà il y a les 4 manuels de survie : le rouge, qui est un peu le tronc commun et qui couvre toutes les généralités, et puis trois "branches" qui couvrent toutes un biotope différent : forêt, montagne et grand froid.  Avec ça on a normalement de quoi faire pour tout l’hémisphère nord, hors zones tropicales. 

Ensuite, à part quelques traductions, j’ai écrit "Quick and dirty", l’anti-méthode de préparation physique, à base de kettlebells hardstyle et de sacs à dos, en gros.  C’est vraiment une méthode pour faire de son corps un bon outil polyvalent, qui va survivre à tout ou presque, et qui sera là quand on aura besoin de lui.

Le dernier, qui sort le 22 septembre, c’est "Démocratie en danger" où je remets ma casquette d’anthropologue et où j’étudie un peu les clivages dans nos sociétés. Des clivages qui deviennent des failles dans l’armure des démocraties. On se rend compte que les services étrangers (Russes, Chinois, et d’autres) ont eu des rôles importants à jouer pour monter les crises sociales qu’on a traversé ces dernières années.  Typiquement ils utilisent des clivages déjà existants et ils les montent en mayonnaise.  Et ça marche d’autant mieux de nos jours avec les réseaux sociaux, les algorithmes qui favorisent l’engagement et donc le fait de s’offusquer, et les sujets clivants.

J’ai donc construit le livre comme une sorte d’antivirus.  Pour que les gens évitent de se faire violer le cerveau et puissent continuer à penser réellement par eux-mêmes.

L’idée, aussi, c’est d’abattre quelques murs et de construire quelques ponts, au niveau citoyen, et de mettre un peu l’Etat devant des solutions qui sont de sa responsabilité. 

Probablement que ça n’aura pas le moindre effet, mais peu importe.  j’aurai essayé.



10- Nous avons plusieurs passions en commun dont celle des "belles lames" et j’en profite ici (car c’est mon Blog) pour te remercier pour l’aventure du couteau "Carcajou" qui a vu le jour il y a de nombreuses années sur ton forum. Je ne vais pas rentrer dans les détails ici, mais j’invite les gens à aller faire quelques recherches sur ton forum et sur le net. Je crois qu’à l’époque, ce fut le premier couteau réalisé pour un forum francophone dédié à la survie. Ce fut un réel coup de pouce pour moi car je débuté ma carrière dans la coutellerie et cela m’a permis de me lancer. 

Ma question est donc la suivante, quels sont pour toi les points importants que doit posséder un couteau (lame fixe) pour faire le job en milieu « outdoor » ?

En réalité l’outdoor c’est vaste. Déjà il y a tout un tas de biotopes différents qui vont nous pousser plutôt vers un outil ou un autre.  Même si on prend la France, admettons le Jura, entre l’été et l’hiver je ne vais pas avoir besoin des mêmes outils pour bien vivre.  Autant en été un petit couteau fixe et une petite scie me suffiront largement, autant en hiver je serai content d’avoir une petite hache que je puisse utiliser pour couper des grosses sections de bois et me faire un gros feu qui me permettra de survivre aux -15 ou -20°C des nuits qu’on rencontre souvent dans cette région.

Maintenant si l’idée c’est d’avoir un truc à l’encombrement réduit, à l’acceptabilité sociale correcte et qui puisse servir pour 80 ou 90% des situations, le Carcajou est un excellent modèle.  Si c’était à refaire, j’opterais sans doute pour une lame un petit peu plus longue. Pas de beaucoup, mais de quoi pouvoir refendre des bûches de 10-12 cm de diamètre aisément.  Pour ça il faut une lame de 15-17cm en réalité. Le profil du manche du Carcajou, avec son ricasso prononcé et sa forme en goutte (que j’ai piquée à un design fait par Fred Perrin, à l’époque, il faut rendre justice au monsieur je pense) est vraiment bien pour faire un peu tout.  J’épaissirais peut-être un tout petit peu le manche au point le plus étroit pour avoir plus de poigne pour travailler le bois, mais globalement c’est un design vraiment pas mal. Notamment la pointe qui est moins "tacticool" mais qui est extrêmement solide et qui permet de faire plein de choses qu’on ne peut pas faire avec un bowie. 

Donc si je résume, pour moi un couteau idéal dédié à l’outdoor et spécialisé pour ça serait un Carcajou XL, aujourd’hui, avec 15 ans de recul.

(Je ferai un article complet sur le Blog dédié au Carcajou)

11- Si tu dois choisir entre un Mora Companion ou un Victorinox Spirit, quel est ton choix et pourquoi ?

En outdoor, le Mora.  Parce qu’il servira à tout ou presque. En ville, le multitool aura l’avantage de pouvoir servir à plein de choses pour réparer ou bricoler des objets technologiques, et il sera plus acceptable par les FDO en cas de contrôle : l’absence de pointe sur la lame (qui ressemble à une scie à pain plus qu’à une lame) le rend difficile à utiliser pour planter son prochain, et on voit tout de suite que sa vocation est d’être un outil plus qu’une arme.  Un Mora, de son côté, même si c’est évidemment plus ou outil pour la nature qu’autre chose, peut très facilement servir à planter quelqu’un, et je vois assez peu de justification crédible pour se balader avec une lame fixe, même une petite et mignonne comme un Mora, en ville.  

Bref, encore une fois, tout dépend du contexte.


12- Peux-tu nous d’écrire une semaine type de tes trainings en renforcement musculaire ?

En ce moment, après une longue période de "Quick and Dirty" et de kettllebells, marche avec sac et autres activités réjouissantes, je suis dans une phase où je fais uniquement du Kung Fu.  Typiquement je me lève assez tôt, je bois un café et je me fais une heure ou une heure trente de kung fu.  Ensuite je mange, je bosse, et vers 14 ou 15h je me refais une session de kung fu plus ou moins longue selon l’énergie du moment.  C’est assez fréquent que je me fasse entre 2h30 et 3h30 de kung fu par jour, du coup. Et je ne prends jamais de jour de repos. 

Si je suis fatigué ou si j’ai mal quelque part, je bosse différemment, plus technique et en soignant mieux les placements.  Si je suis énervé je laisse le diable de Tasmanie s’exprimer librement.  Mais je m’entraîne absolument tous les jours, et c’est vraiment extrêmement satisfaisant.

Le style que je pratique (Taizuquan Wudemen - 武德門 太祖拳 est tellement explosif que je ne sens pas trop le besoin de faire de renforcement à côté, surtout qu’on travaille avec des bâtons très lourds qui font énormément travailler les tendons et les muscles.  J’ai troqué les kettles contre des bâtons de 2m20 de long en hêtre bien lourd.  

Si je suis honnête, ça doit faire trois mois que je n’ai pas touché à une kettlebell.  Ce Kung Fu m’a permis d’augmenter énormément mon explosivité. Je n’ai pas trop perdu de masse musculaire, d’ailleurs, ce qui m’étonne.  Au contraire, j’ai l’impression que mes muscles changent un peu de nature et se densifient, et mes tendons s’épaississent.  C’est assez intriguant. 

Côté alimentation, à part forcer un peu sur les protéines, manger plein de légumes, et pas trop de féculents (et zéro sucre), j’aime bien boire une bière et manger des chips de temps en temps, et je ne fais pas ultra-attention.  Ma cote d’alerte est 120kg.  Quand j’arrive à ce poids je réduis l’apéro et les chips un mois ou deux, et quand je redescends sous les 115 je m’y remets 😀






14- En complément du reste, pratiques-tu une méthode plus "interne" comme le yoga ou autres méthodes de respiration ?

Je fais beaucoup de mobilité et d’auto-massages pour compenser l’extrême sollicitation des muscles et des tendons que le Kung Fu inflige à mon corps.

Sinon les formes que je travaille contiennent le travail interne de respiration, et des aspects énergétiques qui intriguent ma chérie, qui a une grosse expérience en médecine chinoise. J’avoue que moi je n’y connais pas grand chose, mais je sens les effets et c’est extrêmement agréable.


15- Nous avons eu l’occasion de participer ensemble à plusieurs stages de "protection personnelle", ou en es-tu aujourd’hui dans ta pratique en protection personnelle, arts martiaux, ou autres sports de combat ?

Le Taizuquan Wudemen est un style de Kung Fu qui est vraiment très épuré, et vraiment centré sur l’efficacité.  La légende veut que Wu Zhaoben, le fondateur de la lignée (Benyitang), aie eu l’occasion de tester, de par ses différentes activités plus ou moins officielles, son art et de virer tous les trucs inutiles pour ne conserver que l’essentiel. D’ailleurs l’une des traductions possible du nom de la lignée, Benyitang, est justement ça.  On pourrait traduire ça par (je cite Olivier Boutonnet, mon prof et ami) : "L'école de la vertu première qui vise à prendre pour fondement l'essentiel des choses et le sens du juste". 

Autrement dit, on va à l’essentiel, sans sacrifier l’éthique.  Pour résumer abruptement. 

La découverte de ce style de Kung Fu m’a fait remettre en question énormément de choses non seulement de ma pratique martiale, mais aussi de mon approche de la self.  Pour les aspects de préparation mentale, d’intelligence de situation, de prévention et d’éthique, Olivier et moi étions totalement d’accord au moment où j’ai fait sa connaissance.  Par contre j’ai été obligé de reconnaître que sa manière de bouger, la dynamique de ses frappes, et les choix tactiques que cette dynamique là permettent ont totalement chamboulé ma vision de la self, une fois le contact physique enclenché avec un agresseur.  

Ce qui ne gâche rien, c’est que mon morphotype est particulièrement bien adapté à ce style. Ca me va comme un gant, et ça me permet d’exploiter ma grosse masse de manière ultra-explosive et dynamique.

Je n’en suis pas encore à pouvoir enseigner ce style, loin de là. Il me faudra sans doute encore plusieurs années. Mais déjà ça change tout dans mon approche de la self et dans ce en quoi je crois à ce sujet là. 

Evidemment, mon but n’est pas de cracher dans la soupe, et il y a plein d’écoles de self qui sont très honorables, et qui ont des approches qui fonctionnent. Mais là, moi, j’ai trouvé mon truc, et ça remet totalement en question mon approche, et aussi ce que j’enseigne.


16- Quels sont les objets qui composent ton EDC ?

Ca n’a pas trop changé depuis des années.

Dans les poches : 

- Un truc qui coupe (qui varie selon le contexte légal où je me trouve).

- Une petite lampe (une petite Peli très compacte qui fait bien le job).

- Un petit portefeuille où j’ai quels billets, ma carte bleue et une carte d’identité.

- Un briquet avec du duct tape autour.

- Mon téléphone.

- Dans un sac au look le plus anodin possible.

- Une paire de gants en cuir.

- Un bonnet.

- Un shemagh reteint en marron pour avoir moins l’air d’un ancien de chez "Blackwater".

- Parfois une micro polaire, mais pas souvent.

- Un petit poncho de chez Paramo qui pèse 150g et qui couvre essentiellement les épaules, en cas de grosse pluie.

- Un portefeuille avec le reste de mon merdier : carte vitale, autres CB, etc.

- Un kit medic dans un ziploc avec les trucs pour les premières urgences : deux compressifs, CAT, tourniquet swag t en plus, adrénaline auto-injectable, ciseaux Gesco, gants nitrile bleu...

- Une vieille frontale Petzl.

- Un swisstool spirit.

- Un petit peu de bouffe (genre une barre CLIF et un paquet de noix de cajou).

- Une petite bouteille d’eau (pas tout le temps).

- Une pochette discrète "jaune d’oeuf" avec du cash, mes passeports et les trucs vraiment vitaux / sensibles qui va passer sur moi dès que je suis en déplacement, mais que je garde dans mon "go bag" le reste du temps.

Rien de bien extraordinaire, mais ça sert souvent. Au total ça pèse environ 4kg, 5 avec la polaire et la flotte. Autant dire que je ne le sens pas quand je le porte et que je l’ai tout le temps avec moi.  




17- Quels sont les "outils" de base qui composent ton sac à dos quand tu pars dans la verte durant plusieurs jours ?

A peu de choses près les mêmes objets que dans mon sac de tous les jours plus des chaussettes de rechange, de la bouffe, du café instantané et le mug qui va avec, une brosse à dents et de quoi dormir.


18- Peux-tu me citer le dernier livre qui t’as plus et pourquoi ?

Je viens de lire "Skin in the Game" de Nassim Nicholas Taleb, et franchement ce gars dit tout ce que je pense sur la société actuelle de manière polie et construite.  Et il met des mots clairs et précis sur ce que je ressens depuis toujours.

Ca fait plusieurs fois qu’il me fait le coup (notamment dans Antifragile j’étais jaloux de ne pas avoir dit ça avant lui), mais là c’est presque énervant 😀


19- Quelle est ta devise dans la vie ?

Se connaître soi-même et faire des choix délibérés.

Je pourrais épiloguer très longuement là-dessus, mais ça deviendrait probablement très chiant très vite.



20- Peux-tu nous parler de tes futurs projets ?

J’ai en tête un hameau idéal où j’ai envie de vivre. Je sais exactement comment je le veux, et dans quel genre d’endroit je le veux. Je veux qu’il soit relativement autonome mais pas coupé du monde. Facile à défendre mais super accueillant. Que chacun y aie un espace privé mais qu’il y ait une "place du village", etc...  L’idée va être aussi de créer plusieurs logements pour les gens du coin, parce qu’avec le COVID et l’incroyable montée des prix de l’immobilier, y’a plein de gens ici qui ont du mal à se loger.  Donc je vais faire en sorte que ça puisse accueillir des familles, des petits vieux qui n’ont pas envie d’aller en maison de retraite avec des gens décrépits qui attendent sagement la mort en se faisant maltraiter, et des jeunes qui commencent dans la vie.  Et que les loyers financent un logement en plus, pour une nana qui en a marre de se faire taper par son mec, ou pour quelqu’un qui a besoin de se mettre au vert dans un endroit cool pendant quelques temps. 

Bon, évidemment, ça va demander des fonds que je n’ai pas encore, mais je vais trouver le moyen de financer tout ça honorablement.


21- Pour finir cette interview, je te propose de répondre aux questions "existentielles".

- Lame fixe ou folder ?  

Fixe

- Leatherman ou Victorinox ?  

Victorinox. Les derniers leatherman que j’ai eux m’ont tous déçus.  Les multi-tools Victorinox sont fabuleux.

- Firesteel ou briquet Bic ?  

Les deux ! Mais si je dois choisir : bic.

- Duct tape ou paracord 550 ?  

Les deux ! Mais si je dois vraiment choisir : paracord.

- Kettlebell ou haltère ?  

Bâton lourd !

- Carcajou ou teckel ?  

Carcajou. Mâle, adulte.  

- Bière ou café ?  

Café pour régler les problèmes que je peux régler, et bière pour accepter tout le reste :)

- Meindl Perfekt ou Converse All Star ?  

Converse. Ou encore plus minimaliste.  Je ne porte plus de « grosses » depuis un moment.

- Viande de bœuf séchée ou haricot vert ?  

La réponse est dans la question, là - LOL

- Et pour conclure : marcher pieds nus sur du sable brulant ou nager à poil dans un lac gelé ?  Le lac gelé, à 2000%. L’eau froide, c’est le traitement thermique pour les humains 😉




Merci à David Manise pour cette interview.

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